DANS LE JARDIN DE MON PERE
Certes, c'est une chose dont je ne devrais pas me vanter, mais, c'est un fait, je ne comprends pas toujours la poésie contemporaine, m'étant arrêté en matière poétique aux analyses des textes de Baudelaire, Verlaine, Apollinaire... en cours de français. A bien y regarder, je mettrais cela sur le compte d'une certaine fainéantise qui durant ma scolarité, justement, me tint à distance de tout résultat honorable en mathématiques, étant rétif à tout exercice de la pensée qui ne s'imposerait pas naturellement à moi. C'est une erreur, je le sais. N'est-il pas surprenant, au passage, de constater à quel point un vers et une équation peuvent parfois porter en eux la même poésie, la même beauté hermétique d'une chose parfaitement en équilibre, dont on perçoit la justesse et la solidité sans pouvoir pour autant se l'expliquer ? Mais est-il nécessaire de le faire ? Est-il besoin de décortiquer, de désosser jusqu'au dernier écrou, pour la comprendre, une mécanique d'apparence infaillible ? Ne peut-on pas se contenter de n'être rien de plus qu'un simple spectateur de la beauté des choses sans devenir pour autant un technicien de celle-ci?C'est dans cet état d'esprit que jeudi soir, je me suis rendu à la Maison de la poésie pour assister à la représentation de Dans le jardin de mon père de Claude Guerre qui, pour l'occasion de cette création, portait lui-même le texte sur scène. Le sujet, il faut le dire, m'avait interpellé, étant, à quelques variations près, celui du roman sur lequel je travaille actuellement : un homme retourne dans son village natal pour assister aux obsèques de sa mère. Rien de très original me direz-vous, et je vous le concède volontiers, mais l'important est le traitement que l'on en fait et les questions que l'on soulève à cette occasion. Je me méfie en effet beaucoup de la recherche de l'originalité du sujet, surtout lorsqu'elle constitue une fin en soi. Si elle ouvre parfois sur des horizons nouveaux, elle conduit le plus souvent sur le chemin de la simple distraction, écartant le créateur des objectifs qu'il s'était fixés. Sacrifier à l'originalité pour satisfaire l'auditoire au risque de se perdre en chemin. Personnellement, je m'émeus toujours devant une Vierge à l'enfant, motif pourtant éculé.
Dans le jardin de mon père, Claude Guerre du 26 novembre au 20 décembre 2009 à La Maison de la poésie à Paris. Le texte est publié aux éditions Pierre Mainard.